Comment va le Fil de Bibil? Vous demandez-vous. Enfin peut-être pas si vous avez suivi mes publications Facebook et Instagram qui sont très mono-obsessionnelles: des masques, des masques, et encore des masques. La demande est énorme et urgente, et donc je ne fais que produire, mais l’avantage c’est que je ne vois pas le temps passer. Alors que tous mes voisins ont refait leur jardin, que mes amis font du pain et cultivent du kimchi, moi je fais des masques, et des masques, et des masques.

Et je mange, aussi. Mais c’est une autre histoire.

L’année passée, j’ai consacré beaucoup de temps et de moyens pour mettre en place une stratégie digitale, dont ce webshop n’a été qu’une petite partie. Et aujourd’hui, je me félicite de tant de prévenance… On dit que toutes les entreprises doivent se réinventer. Pour ma part, je continue à fonctionner normalement. Et ma tendance au surstockage, qui est mon principal défaut, me sert assez bien finalement. C’est curieux comme je n’ai aucun problème d’approvisionnement…

Par contre, là où je dois me réinventer, c’est dans la demande. Exit les cadeaux de naissance pour des bébés auxquels on ne va plus rendre visite. Au revoir les cadeaux de mariage lorsqu’on ne sait pas s’ils auront lieu. Maintenant, les gens commandent pour eux. Il y a les commandes pour se faire plaisir: tant qu’à être chez soi, finalement, autant en profiter pour renouveler son linge de maison et pimper son transat de jardin avec des serviettes de plage…

Mais surtout, il y a les masques.

J’avais été très réticente à commercialiser des masques pour les particuliers. Au début du confinement, beaucoup d’informations circulaient mais peu étaient vérifiées. Quel modèle, quels tissus? Une seule chose était claire: un mauvais masque était nocif, car soit pas assez efficace, soit pas assez respirant. Il fallait trouver un équilibre entre un manque d’efficacité et l’envie de ne pas respirer son propre CO2… Les premières couturières à avoir proposé des masques se sont fait lyncher sur les réseaux sociaux avec une violence verbale particulièrement forte. C’était le reflet du climat anxiogène du début de confinement. A ce moment, personne n’avait de masques, y compris le personnel médical. C’est ce qui m’a décidée à franchir le pas. J’ai été sollicitée par plusieurs personnes du monde médical qui m’ont précisé ce qui était attendu de ces masques, à savoir: respirer entièrement par le masque (pas d’échappement d’air au niveau des yeux et des côtés), et un bon équilibre entre efficacité et respirabilité.

consignes d'utilisation masques en tissu

Pour les matériaux, j’ai fait confiance à Stragier, connaissant la qualité de leurs tissus et leur intégrité. Pour le modèle, j’ai choisi celui partagé par le SPF Santé Publique. Il répond au même principe que celui du professeur Jean-Luc Gala, qui a été publié ultérieurement: des plis qui s’opposent pour que les différentes couches ne se touchent pas, créant ainsi une couche d’air qui le rend plus efficace.

J’ai eu la chance de pouvoir faire tester mes masques dans le cadre d’une recherche de l’ECAM (article passionnant que je fais volontiers circuler à qui en fait la demande). Cette recherche calculait l’efficacité des masques homemade par rapport aux masques chirurgicaux en ce qui concerne les projections de type éternuements et toux. Ces tests ont validé mes choix de tissus et de patron, mais ont confirmé la nécessité d’une troisième couche “filtre” pour une meilleure efficacité. Aucun des filtres testés ne s’est avéré résistant au lavage à haute température, donc je me suis résignée au filtre amovible, et ce même si cela augmentait le risque de contamination croisée. J’ai dû faire la paix avec le fait qu’aucune solution n’est parfaite, et que quoiqu’on fasse, on n’atteindra jamais l’efficacité d’un dispositif médical. Mais mieux vaut un grand nombre de solutions imparfaites qu’un petit nombre de solutions parfaites…

Au début, j’ai privilégié les demandes venant du secteur médical. Mais je recevais tellement de demandes de la part des particuliers que j’ai finalement décidé d’en mettre en vente sur mon webshop. Mon objectif était de pouvoir financer les masques bénévoles: 1 masque vendu finançait 2 masques produits pour des infirmières à domicile, qui les redistribuaient à des patients à risque. J’avais aussi un objectif caché: mettre fin à ce qui s’apparentait à un véritable harcèlement. Appels, emails, messages, tout le temps et toute la journée. Je cachais mon téléphone tellement cela me stressait. Mais ça s’est empiré avec la mise en vente. L’entièreté de la production disparaissait en quelques minutes, suivi d’une nouvelle salve de demandes de celles et ceux qui n’avaient pas pu en profiter. J’ai un moment accepté les précommandes, ça m’a valu beaucoup de stress. Du coup, j’ai dû mettre en place une organisation pour pouvoir m’en sortir.

Comment faire si vous voulez en acheter?

J’ai pris la décision de poster tous les lundis à 10h ce que j’ai été capable de produire pendant le weekend (parce qu’en vrai j’ai un autre job en semaine). Pour l’instant tout part en moins de deux heures. Je reçois environ quinze fois la demande de ma capacité de production et ce depuis le début du confinement. Je refuse les précommandes et je refuse les grandes productions. Donc mettez-vous un rappel et connectez-vous ici le lundi à 10h:

https://www.lefildebibil.be/categorie-produit/masques-buccaux/

Au pire, dites-vous que c’est la même excitation qu’acheter son ticket pour Tomorrowland.

Comment faire si vous voulez en produire pour vous?

Je vous ai donné toutes les informations ci-dessus sur les exigences du patron et mes choix de fournisseur. Si vous voulez faire avec ce que vous avez chez vous, choisissez un coton au tissage très serré pouvant résister à un lavage à haute température (au besoin faites bouillir un échantillon test). Certains draps d’hiver pourraient par exemple faire l’affaire. Il faut que votre masque soit respirable: vous pouvez en faire le test en mettant les différentes couches sur votre bouche et en faisant un O avec vos mains (pour respirer uniquement à travers). Vous avez besoin de trois couches, et celle du milieu doit être du non-tissé (essuie-tout, filtre à café, mouchoir, lingette swifer…) ou du molleton. Et surtout faites des prototypes et utilisez-les sur vous avant de vous lancer dans une grande production…

Comment faire si vous voulez en produire bénévolement?

Les initiatives bénévoles ne manquent pas, d’autant plus qu’on se dirige de plus en plus nettement vers un objectif d’équiper chaque Belge d’un masque… Votre commune a peut-être déjà mis en place un appel aux bénévoles. La Région bruxelloise coordonne également une production de masques massive. Si vous ne savez pas coudre, il existe aussi des appels aux personnes souhaitant faire des découpes. Les initiatives ne manquent pas, la plupart d’entre elles fournissent patron et tissu… Le point de départ serait donc de voir ce qui est mis en place au niveau communal ou régional par les autorités publiques.

Si vous êtes déjà opérationnelles dans la production de masques, et cherchez des gens à qui les donner, je connais des infirmières à domicile qui seraient plus que ravies de pouvoir compter sur vous à Woluwé-Saint-Lambert… Mais votre généraliste de proximité a sans doute lui aussi des réseaux locaux à vous conseiller.

(Oui on m’a fait la remarque que j’ai mis “opérationnelles” au féminin mais soyons réalistes, ici je pense que le féminin peut l’emporter.)

Prenez soin de vous!

Et courage, on va s’en sortir…

Le Fil de Bibil est une artisan certifiée située en Région bruxelloise à Woluwé-Saint-Lambert. Elle propose du linge de maison personnalisable et produit selon une démarche éco-responsable.