Voilà presque une année que nous sommes confinés !

Joyeux confinniversaire !

Haha !

Ha !

Hum.

Quoi que vous a réservé cette année, on sera tous d’accord pour dire que ces derniers mois ont été complètement à part. Pour le Fil de Bibil aussi, cette année a contenu sa série de challenges. Je pense qu’on peut vraiment dire qu’en 2020, mon maître-mot a été mon extraordinaire capacité d’anticipation.

(Spoiler : NOT).

En vrai. Vous me rejoignez si je vous dis qu’il a été totalement impossible d’anticiper quoi que ce soit depuis mars dernier, et ce quel que soit le secteur ? On nous confine, on nous déconfine, les commandes explosent puis s’arrêtent d’un coup… On veut des masques en tissus, on n’en veut plus, on en veut peut-être encore quand même, et puis en fait non… Les fournisseurs ne fournissent plus, puis de nouveau ils fournissent, mais pas totalement… Bref, moi qui entamais 2020 avec en objectif une meilleure gestion de mon stock, ben je veux dire que je ne suis pas plus avancée (un euphémisme pour dire qu’en fait c’est pire). Mais l’année a été riche de défis en tous genres.

Confinement, saison 1

Enfin, au début ça ne se profilait pas trop mal pour moi. Je dois dire que je suis partie sur un avantage compétitif : contrairement à de nombreux artisans ou petits commerçants, en mars 2020 j’avais déjà un webshop opérationnel. Quand on nous a annoncé le confinement, les gens se sont tournés massivement vers le shopping en ligne, et moi j’y étais.

En parallèle est apparue une forte demande de masques en tissu. Je me suis investie là-dedans, avec un mix de 1/3 de masques vendus pour 2/3 de masques donnés à des infirmières à domicile ; les masques vendus permettant de financer les masques donnés (j’ai fait un post à ce sujet ici). Mais comme je n’étais pas la seule à vouloir coudre des masques, les fournisseurs ont eu du mal à suivre. J’étais tellement sollicitée de mon côté que j’ai fait des grosses commandes de matière première en me disant, « oh ben Bibil, la demande est telle qu’il te faudra faire facile 2000 masques – la priorité est de sécuriser du stock ».

(Haha oui rien qu’à cette phrase vous pouvez déjà deviner ce qui s’est passé).

Sauf que. Le lundi 18 mai très précisément, alors que j’en avais cousus genre 600 et que j’avais potentiellement de quoi en faire 1500 en plus dans des colis variés qui erraient quelque part dans les méandres de la poste, la demande s’est arrêtée net. La raison : les masques jetables étaient arrivés dans les supermarchés. Je n’avais même pas reçu toutes les fournitures qu’on ne voulait déjà plus du produit. En plus, j’avais commandé des masques enfants chez mon fournisseur Popolini, qui sont arrivés pile après qu’on annonce que les enfants ne devaient pas en porter.

Je me suis dit « c’est pas grave Bibil, les infirmières auront toujours besoin de tes masques, même si tu n’en vends pas tu pourras les donner ». Sauf qu’en fait il y a un moment où elles n’en avaient plus besoin non plus. Et que moi j’avais tout ce stock qui était enfin arrivé, pour combler ce besoin qui n’était plus là.

Que faire de ce stock, me direz-vous ? Ce que je fais de mieux dans ce genre de situation, pardi ! Le laisser traîner dans mon salon. De toutes façons ce n’est pas comme si quelqu’un d’autre que moi pouvait voir ce carnage pour le moment (ça va être la panique quand on va déconfiner, ça me semble très clair).

Rétrospectivement j’aurais pu m’y prendre différemment. J’aurais pu mettre en place un système de préventes pour exactement le nombre de masques que je pensais produire, et les vendre tant que la demande était encore là. Ou du moins, quand le vent a commencé à tourner, j’aurais pu être plus réactive et essayer de revendre mon stock à qui souhaitait l’acquérir. Je ne l’ai pas fait, voilà. Je pense que de toutes façons il y avait un tel sentiment d’urgence que je n’aurais pas pu prendre de décision rationnelle de projection à moyen terme.

Sinon, vous faites quoi avec 1 kilomètre d’élastiques pour masques quand vous ne faites plus des masques ? Asking for a friend.

Bref, en ce qui concerne les masques, j’ai fait mes calculs, je n’y ai rien gagné, mais je n’y ai rien perdu, sauf peut-être de l’espace de stockage, donc finalement ce n’est pas si dramatique. (Ma bonne résolution de 2020 s’insurgerait contre ce propos). Cela a donné un sens à ce premier confinement que je n’ai finalement pas trop mal vécu grâce à ça, car je savais que cela aidait des personnes qui en avaient besoin au moment où elles en avaient besoin. Bon, après cet épisode, il y a eu de multiples rebondissements dans les amours et désamours pour les masques en tissus. Si jamais, j’en ai encore. Just saying.

Ca, c’était pour le premier confinement. Et puis, il y a eu la suite.

Confinement, saison 2

J’ai bien tiré les leçons du premier confinement lorsque le deuxième est arrivé, je peux vous dire que niveau anticipation j’étais au top.

(Spoiler : NOT).

Les marchés de Noël, si patiemment planifiés, ont tous été annulés. Mais heureusement, à la place, il y a eu ce formidable élan de solidarité envers les artisans belges. Le rush de Noël a commencé dès le 1er novembre au lieu de se concentrer sur la fin de l’année. La conséquence, c’est qu’alors qu’on attendait tous une saison désastreuse, j’ai eu en réalité un gros afflux de trésorerie juste avant les fêtes, ce qui m’a permis de faire des investissements que je ne pensais pas faire si rapidement – et de les avoir à temps pour le mois de décembre.

En Kalani, j’ai pu investir dans leur linge de bain (trop de la balle, je vous le conseille) : made in Belgium, biologique, fair trade. C’est très difficile de trouver une marque qui est à ce point engagée vers une version durable de l’industrie textile et je suis assez contente d’avoir pu commencer ce partenariat. En de Witte Lietaer, j’ai entamé ma transition vers une nouvelle gamme d’une meilleure qualité et avec un meilleur label écologique. J’ai remplacé les peignoirs ; cette année je remplacerai les serviettes de bain.

Puis j’ai pu également proposer des kits de couture do it yourself : d’abord des kits pour calendriers de l’Avent, qui ont été sold out en quelques jours. Ensuite, des kits guirlandes de fanions, qui sont encore là, principalement parce que « oh ben Bibil la demande est telle qu’il te faudra au moins 150 mètres de tissu – la priorité est de sécuriser le stock ». (Tirer les leçons du passé, c’est si beau). Bref, ils sont encore là. Dans mon salon aussi.

La période du deuxième confinement a été beaucoup plus difficile que la première (d’ailleurs pourquoi j’en parle au passé, haha ha hum). Mais si tant de secteurs ont été durement impactés, chez moi la solidarité a fait des merveilles – et pour cela, je vous remercie du fond du cœur.

Et maintenant, quelle sera la suite ?

La période actuelle comporte sa série d’incertitudes et de craintes. A toute nouvelle aubaine commerciale se greffent des chercheurs d’or. Là où je n’ai pas du tout anticipé, c’est que petit à petit se sont mis à fleurir des webshops dans mon secteur, de la part de personnes qui ne faisaient pas vraiment ça à la base. Alors je ne dis pas que j’ai l’exclusivité du concept du linge de maison personnalisable. Et je comprends aussi que des nouveaux entrants ont été forcés d’arriver sur la vente en ligne juste parce qu’ils étaient forcés de se réinventer pour survivre. Mais dans ce secteur, je suis toujours partie du principe qu’il y avait de la place pour tout le monde, et que chacun avait suffisamment de marge créative pour se démarquer des autres… Et bien, force est de constater que certains ne partagent pas forcément cette vision. Là où il y a du profit, il y a des profiteurs.

J’ai pu voir à mes dépends, par exemple, qu’il était beaucoup plus facile, au lieu de trouver ses propres idées, de simplement copier les miennes ; qu’il s’agisse de produits, de communication, de canaux de vente ou de publicité. Qu’il était possible de jouer sur les codes de l’artisanat et du fait-main, tout en déléguant l’entièreté du travail vers des mains invisibles, et évidemment moins rémunérées. Et surtout, qu’adopter une communication sur le durable ne nécessitait pas forcément d’avoir un réel engagement derrière. Qu’on pouvait se revendiquer belge et local même quand on ne l’était pas, ou du moins juste sur la surface. Comme si les termes de « webshop belge » ou « marque belge » suffisaient à effacer le made in China, et comme si l’ajout d’une broderie en Belgique transformait soudainement un article confectionné à l’autre bout de monde (dans des conditions pas toujours dingues) en du Belge local. Il est facile de mettre en avant de belles valeurs, de tourner ses propres vérités à son avantage, tant que personne ne vérifie vraiment ce qu’il y a derrière.

De nouveau, je ne suis pas irréprochable non plus, je sais très bien que je défends une vision mais que je n’y suis pas encore à 100%. Je galère toujours autant à trouver des alternatives plus écoresponsables pour certains produits pour lesquels le secteur textile a encore du travail à accomplir. Et si pour le moment je fais tout moi-même, cette année va se poser la question de comment je vais m’agrandir… Je voudrais que tout soit parfait, et tout ne peut pas être parfait, c’est un travail en constante évolution. Mais le mieux que je puisse faire est d’être transparente sur ce que je brode mais ne produis pas moi-même, pour que le client puisse faire librement son choix en fonction du fournisseur.

J’admets que je n’étais pas au top de ma bonne humeur quand j’ai assisté impuissante à ce plagiat. Sans doute que les circonstances actuelles font que je me laisse disproportionnellement atteindre; après tout, ce n’est pas le seul élément extérieur qu’on subit sans rien pouvoir y faire. Au début, j’y croyais à peine. On met des années à développer un projet et une identité propre, pour le voir détourné et copié en quelques mois à peine. Puis j’ai décidé de ne pas me laisser ronger par l’angoisse. Un peu comme avec tout le reste, finalement : voilà la situation actuelle, voilà ce que je peux changer et ce que je ne peux pas changer ; sur cette base, comment m’adapter ? 

Et bien, pour le Fil de Bibil, en restant concentrée sur ce qui est essentiel pour moi: la créativité et l’authenticité. Rétrospectivement, je me rends compte que cette concurrence m’a finalement servi. Elle m’a permis de me recentrer sur ma communication et sur ma stratégie. Et très curieusement, c’est à partir du moment où j’ai été copiée que mes ventes ont littéralement cartonné, et c’est principalement sur les produits qui ont été copiés que mes ventes ont monté en flèche. Moi qui avais eu si peur de l’inverse…  

Pour 2021, j’ai pas mal de projets pour l’année à venir, de nouvelles collaborations, de nouveaux produits (oui ben je prends des risques d’à nouveau me faire piquer ma créativité mais il faut que je puisse aussi avancer de mon côté). Et surtout je suis impatiente d’à nouveau retourner sur un marché ! Je peux vous dire que j’embrasserai le sol plein de germes avant d’y poser mes tables, j’en profiterai jusqu’à la dernière goutte de pluie. J’espère que ce sera pour dans pas trop longtemps. En attendant je vous prépare plein de petits bavoirs pour être prête. I am in ze bilouke!